Un cadeau de David Goudreault, poète
Qu’on vous appelle nos aînés, les vieux
Ou plus plus probablement
Qu’on vous appelle… pas souvent
Cette lettre d’amour est pour vous
Qui êtes aujourd’hui ce que demain nous serons
Qui étiez hier, ce que nous sommes…
La vieillesse est un automne
Les feuilles, comme les amis et l’avenir, tombent au sol
Et révèle la structure de l’arbre, le cœur de l’être
Si les jeunes ont toutes la vie devant, les aînés ont toute leur vie en dedans
L’humilité aussi, ils ne gueulent pas leur sagesse, n’imposent pas leur savoir
Même après avoir vécu, survécu aux crises économiques, crises d’octobre
Crises d’Oka, crises du Verglas, crisse de Covid, etc.
Ils demeurent discrets, elles demeurent modestes
Ils nous regardent nous épivarder avec nos vieilles idées
Et nos conneries modernes
Ils savent bien qu’on fait ce qu’on peut
Peut-être qu’ils ne feraient pas mieux, on leur en reproche déjà beaucoup
Faites de la place, colonisateurs, Ok boomer, et autres formes d’âgisme de bon ton
A posteriori, trop facile de condamner; « Nous ne ferons plus les erreurs du passé!»
Évidemment, vu qu’on a les deux pieds dans les erreurs du présent
Demain, c’est loin, mais pas tant
L’isolement, la fraude et la maltraitance nous pendent au coin des rides
Quand nos calendriers se remplissent, nos existences se vident
Le regard quitte les yeux, du crâne coule le visage
Le visage perd la face, déjà vieux
Le monde se coupe, d’autre monde s’occupe de nous
Nous consulte de moins en moins sur nous-même
Même, nous devenons socialement exceptables
Alors ils se tassent, les vieux, se laissent entasser sans faire de bruit
Ils ne veulent pas causer de problèmes
Si jeunesse savait ce que vieillesse pourrait
De l’intelligence relationnelle, des histoires, un rythme plus humain
De la mémoire vive et vivante pour nos logiciels et notre logique souvent défaillantes
Moi, je les trouve facile à aimer, les aînés
Va pas croire que tu m’insultes si t’insinues que j’ai un public de vieilles matantes
Sont drôles et brillantes, t’sé, tes matantes
Mais sais-tu que dans mes fans, y’a aussi ta petite cousine et ta femme?
De toute façon, le temps ne fait rien à l’affaire, y’a des ados vieux cons
De jeunes génies en marchette et des gamins grabataire
Alors amenez-en des des Francine Ruel, des Jeannette Bertrand
Des Michel Tremblay, des Joséphine Bacon et des Gilles Vigneault
Il en manque plein nos écrans
Que votre parole ne se perde pas dans l’écho des pensées creuses
Vous êtes loin d’être cons, loin d’être des colons
Vous êtes les colonnes d’un temple qui abrite encore
Quelque chose comme un grand peuple
On ne se comptera pas de menteries, vieillir comporte son lot de désagrément
Et de désagrègement
Mais entre les os qui se fragilisent, entre la vue et l’espérance de vie qui baisse
Il reste les bons moments, l’amour vécu, les enfants
Les luttes gagnées, et celles à mener
La richesse est dans le cœur, mais la fortune est dans la tête
Par les liens, les valeurs partagée, l’histoire que l’on porte
Et tout ce qui nous porte à vivre; le jour est jeune, encore
Quand l’esprit veille, l’âge dort…
Merci David pour ce beau texte.